
L'identification de cette petite statue découverte sur le site archéologique de Taposiris Magna, divise les archéologues, certains considérant qu'il pourrait s'agir d'une représentation de la reine Cléopâtre VII. © Ministère égyptien du tourisme et des antiquités
En fouillant les vestiges de l’antique cité de Taposiris Magna, une archéologue dominicaine a mis au jour une magnifique statuette en marbre qui pourrait figurer la célèbre Cléopâtre VII. Vient-on de découvrir une nouvelle représentation de la dernière reine d’Égypte ? La communauté égyptologique reste sceptique.
Dans un communiqué publié le 8 décembre 2024 sur Facebook, le Ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités a annoncé une découverte surprenante. Un petit buste en marbre blanc dépeignant une jeune femme couronnée du diadème royal a ressurgi à Taposiris Magna en Égypte. Pour Kathleen Martínez, archéologue responsable des fouilles, cette statuette serait une représentation de Cléopâtre VII. De nombreux égyptologues contestent toutefois cette hypothèse. Ces chercheurs pensent qu’il s’agirait plutôt d’une princesse ou d’une femme de l’entourage royal. Cette année, la mission égypto-dominicaine de Taposiris Magna, menée en collaboration avec l’Université Nationale Pedro Henríquez Ureña (UNPHU), s’est concentrée sur la fouille des dépôts de fondation du temple. Les archéologues ont eu la chance de découvrir de magnifiques artefacts et des objets cérémoniels documentant l’histoire de la ville à la fin de la dynastie ptolémaïque.
Taposiris Magna, une importante cité gréco-romaine du Delta du Nil
Taposiris Magna (actuelle Abousir) est une agglomération ptolémaïque et romaine située à la pointe du lac Mariout (antique lac Maréotis), à environ 40 km à l’ouest d’Alexandrie. Attestée du IIIe siècle avant J.-C. jusqu’à la conquête arabe, son histoire commence avec la fondation d’un vaste temple dédié au dieu Osiris au sommet d’une dune fossilisée. Diverses occupations se développent ensuite aux abords du sanctuaire. Des habitations sont construites et des édifices publics, comme les bains, émergent peu à peu. On notera également la présence d’un monument qui a longtemps été assimilé à un phare, mais dont la fonction serait plutôt funéraire.
Le site archéologique de Taposiris Magna (Egypte) © Wikimedia Commons / Einsamer Schütze
La ville à proprement parler connaît un essor important à partir de la période romaine. Sa position stratégique à l’ouest du Delta lui vaut même d’être considérée comme l’une des « portes de l’Égypte » par l’empereur Claude, au même titre qu’Alexandrie et Péluse. Le site est fouillé depuis 1998 par une mission française dirigée par Marie-Françoise Boussac, puis Bérangère Redon. Des chercheurs égyptiens et l’archéologue dominicaine Kathleen Martínez explorent également la zone depuis 2002.
Un buste en marbre blanc représentant Cléopâtre?
Les fouilles égypto-dominicaines de 2024 ont apporté leur lot de surprises aux archéologues. En dégageant un important dépôt de fondation sous le mur sud de l’enceinte du temple de Taposiris Magna, les chercheurs ont découvert un délicat buste en marbre blanc. Ce fragment de statuette représente une jeune femme portant une couronne royale. Selon Kathleen Martínez, elle pourrait figurer Cléopâtre VII, la dernière souveraine ptolémaïque qui régna sur l’Égypte de 51 à 30 avant J.-C.
Ce buste en marbre découvert sur le site de Taposiris Magna et qui représente une femme portant un diadème, pourrait représenter la reine Cléopâtre VII. © Ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités
Le Ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités nuance toutefois cette hypothèse. Mohamed Ismail Khaled, secrétaire général du Conseil suprême des Antiquités, indique que de nombreux archéologues contestent cette affirmation. Les traits du visage se montrent en effet très différents des représentations connues de la célèbre reine. Ce pseudo-buste de Cléopâtre appartiendrait donc plutôt à une autre femme royale ou à une princesse.
Zahi Hawass a également déclaré à Live Science : « J’ai étudié ce buste avec attention. Ce n’est pas Cléopâtre, il est romain ». L’ancien ministre égyptien des Antiquités a ajouté qu’à l’époque ptolémaïque, les pharaons étaient figurés selon l’iconographie égyptienne. Le style romain ne s’est imposé dans les représentations qu’après la mort de la dernière souveraine d’Égypte, en 30 avant J.-C.
Des trésors et des vestiges exceptionnels éclairant l’histoire de la ville ptolémaïque
La fouille du dépôt de fondation du temple de Taposiris Magna a engendré d’autres découvertes éclairant l’histoire de la ville à la fin de la dynastie ptolémaïque. Une statuette montrant un roi portant le némès (coiffe pharaonique ornée de rayures) a été mise au jour près du pseudo-buste de Cléopâtre. Les archéologues ont également exhumé un trésor renfermant 337 pièces de monnaie (dont certaines étaient frappées à l’effigie de la reine), des statues en bronze, des lampes à huile, des céramiques votives et un récipient en calcaire destiné à contenir des produits cosmétiques.
Le trésor de pièces de monnaies découvert en 2024 à Taposiris Magna (Egypte) © Ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités
Parmi les objets les plus remarquables, on citera une bague en bronze dédiée à la déesse Hathor et une amulette en forme de scarabée décorée de l’inscription suivante : « La justice de Rê (le dieu soleil) s’est levée ». Sans oublier de nombreux tessons de poterie dont la datation a permis de confirmer que le sanctuaire de Taposiris Magna a bien été construit durant le Ier siècle avant notre ère.
Vue de la façade nord du temple de Taposiris Magna (Egypte) © Wikimedia Commons / Koantao
Durant cette campagne, les chercheurs ont aussi repéré les vestiges d’un temple grec du IVe siècle avant J.-C. Cet édifice, détruit entre le IIe siècle avant J.-C. et le début de l’époque romaine, se trouvait à proximité d’un système de tunnels s’étendant du lac Maréotis à la mer Méditerranée. Une vaste nécropole renfermant près de 20 catacombes et une structure funéraire souterraine située sous le « phare » ont enfin été mises au jour. Autant de découvertes soulignant l’importance culturelle et historique de ce site archéologique du Delta.