Des restes
d'outils appartenant à Homo erectus ont été découverts en Ukraine. Ils sont
datés de 1,4 million d'années et considérés comme le plus ancien témoignage
d'activité humaine dans cette région.
Vue panoramique de la carrière de
Korolevo, en arrière du plan d'eau.
Le site de
Korolevo, près de la rivière Tysa au Sud-Est de l'Ukraine, livre des outils
paléolithiques depuis les années 1970 et compte parmi les sites paléolithiques
anciens les plus septentrionaux d'Europe.
Jusqu'à
présent, personne n’a pu le dater avec précision notamment en raison de son
organisation en multiples couches, chacune recelant de dizaines de pièces
taillées dans des roches volcaniques. "Cette ancienne carrière a constitué une source importante de
matière première pour la fabrication d'outils en pierre. Les affleurements
d’hyalodacite, une roche semblable à l’obsidienne, y ont été exploités jusqu'à
aujourd’hui", raconte à Sciences et Avenir, Roman Garba, de l'Académie tchèque des sciences.
Archive d'une expédition de fouilles dans les
années 1984-85. Crédit : Institute of Archaeology of the Ukrainian Academy of
Sciences.
Les
rayons cosmiques pour la datation
Avec son
équipe, il a étudié les deux couches les plus anciennes de ce site. Pour dater
les sédiments dans lesquels les outils ont été enterrés, les scientifiques ont
utilisé une méthode basée sur la désintégration de nucléides cosmogéniques. Ce
sont des isotopes rares formés lorsqu'un rayon cosmique interagit avec le noyau
d'un atome (d'aluminium ou de béryllium dans cette étude).
Leur quantité
permet d'estimer le temps depuis lequel l'échantillon est exposé au rayonnement
cosmique et donc son âge. Les résultats, publiés dans la revue Nature, indiquent que les outils pourraient être âgés
d'environ 1,4 million d'années. "Notre âge de sépulture est très robuste et testé par deux modèles
de datation. Le site est à ciel ouvert avec une stratigraphie en forme de
gâteau de couches de dépôt. Par conséquent, des conditions stables très sûres
contrairement aux systèmes de grottes", explique Roman Garba.
Il s'agit là de
la première preuve, datée de manière fiable, de la présence d'hominidés en
Europe à cette époque. Et compte tenu des périodes, ce sont très probablement
des Homo erectus qui ont laissé ses traces. Ce sont sûrement
les premiers humains à avoir quitté l'Afrique pour gagner l'Eurasie et dont les
plus anciennes traces, datées de 2,1 millions d'années, ont été trouvées en Chine.
Outil de pierre retrouvé à la surface du site
mais provenant d'une couche ancienne. Crédit : Roman Garba.
Un
climat clément avant le grand froid
Après la sortie
d'Afrique et la probable arrivée vers la Chine, les traces sont éparses et ne
permettent pas d'avoir de certitudes sur la ou les voies qu'ont empruntées nos
prédécesseurs à travers l'Eurasie pour s'étendre en Europe. Un lieu en Géorgie,
Dmanissi, atteste d'une présence humaine, il y a 1,85 million d'années. Mais
pour l'Europe de l'Ouest, Korolevo est le plus ancien. Le site constitue une
position clé entre le Caucase et le reste de l'Europe.
Dans leur
étude, les chercheurs ont aussi exploré les conditions climatiques des deux
derniers millions d'années. Ils suggèrent que les premiers hominidés ont
probablement exploité des périodes interglaciaires plus chaudes pour coloniser
des sites à de plus hautes latitudes, telles que Korolevo. "Les données polliniques indiquant des types de
plantes, telles que l'orme, le noyer ou l'épicéa, aimant l'humidité suggèrent
une période chaude au moment de la première occupation de Korolevo. Les
premiers hominidés profitèrent donc du climat plus chaud pour pénétrer vers le
nord. Les premiers humains se sont très probablement déplacés le long des
berges des rivières. Dans notre cas, nous pensons qu'il s'agissait d'un couloir
de migration fluviale le long du Danube", détaille Roman Garba.
D'autres
restes, en Espagne, font état d'une colonisation par le Sud mais ils sont plus
récents, autour de 1,2 million d'années. Et ils sont attribués à une autre
espèce, Homo antecessor. Un peu plus tard, les choses se compliquent : il
y a 1,1 million d'années, le climat se refroidit fortement et durablement.
Cette vague de froid a peut-être sonné le glas d'Homo erectus ; lequel a cédé la place à Homo antecessor qui a entrepris une nouvelle conquête européenne quand
le climat s'est réchauffé il y a 900.000 ans.
Cette théorie
suggère donc une colonisation de l'Europe de l'Est vers l'Ouest, une hypothèse
de longue date mais dont il n'existait pas d'éléments en sa faveur. Il faudra
encore de nombreuses autres découvertes pour la valider. Et comme le soulignent
les auteurs : "ces premiers humains ne se sont surement pas déplacés d'un point A
vers un point B d'un seul mouvement uniforme".