Premières
observations du squelette et du mobilier à l’intérieur du sarcophage après
ouverture. © Simon Loiseau, Inrap
Les archéologues de l'Inrap ont mis au jour un
sarcophage gallo-romain du IIe siècle lors de fouilles à Reims. La pièce
monumentale inviolée permettrait d'éclairer davantage l'histoire des rites
funéraires antiques.
« C’est assez exceptionnel », confie Agnès
Balmelle, directrice adjointe scientifique et technique à l’Inrap Grand Est, au
« Parisien ».
Samedi 23 septembre, l’Institut national de recherches archéologiques préventives
(Inrap) a publié un communiqué dévoilant le résultat des fouilles
préventives d’une nécropole antique à Reims, prescrites par la Drac Grand Est. Sur les 1200 m² de terrain, les
équipes ont mis au jour des vestiges funéraires dont un monumental sarcophage
en calcaire intact datant du IIe siècle.
Un passé funéraire méconnu
Fin 2022, les
archéologues ont exploré cette portion de la vaste nécropole de Durocortorum,
nom antique de Reims, ancienne capitale de la province de Gaule Belgique
(une des quatre provinces créées par Auguste). Délimitée par une enceinte, elle
s’étendait sur près de 600 hectares et était une des plus vastes citées de
l’empire romain. Toutefois, les archéologues ont peu examiné cet espace qui
présente « des
zones d’incertitude que chaque découverte complète », précise
l’Inrap. De plus, le passé funéraire de la cité est assez méconnu. En effet,
les sites ont soit été pillés par les antiquaires et les érudites à la fin du
XIXe et au début du XXe siècles, soit détruits pendant la Grande Guerre.
Toute la documentation et les collections rassemblées sur le sujet ont
également été perdues pendant le conflit. « Dans ce contexte, la découverte d’une portion
de nécropole intacte rue Soussillon constitue une découverte exceptionnelle
pour les archéologues rémois », ajoute l’Inrap.
Mesure
de la niche sculptée à l’intérieur du sarcophage derrière la tête de la femme
inhumée. © Simon Loiseau, Inrap
Ces
fouilles étaient donc l’occasion idéale pour étudier pour la première fois des
sépultures de la cité gallo-romaine préservée. Aussi, le site étant considéré
comme une zone marécageuse impropre à toute installation, il contient une forte
densité de tombes. Sur le terrain, les archéologues ont découvert une vingtaine
d’inhumations en cercueils cloués, quelques crémations et, sur une petite
butte de craie, une vingtaine d’autres vestiges funéraires dont le fameux sarcophage « .C’est la première fois qu’on retrouve un tombeau intact
et qui n’a pas subi de pillage. Il était scellé par huit agrafes en fer et nous
avons été les premiers à l’explorer », explique Agnès Balmelle. Celui-ci
mesure 1 mètre de haut pour 1,65 mètre de long et pèse 2,6 tonnes. Il est
composé d’un couvercle et d’une cuve taillés dans un calcaire grossier
(peut-être remployé ?) qui font s’interroger les spécialistes sur le
statut du défunt.
Sépulture
d’un individu enterré sur le ventre en cours de fouille. © Sandrine Thiol, Inrap
Une mystérieuse femme appartenant à l’élite locale ?
De premières
analyses ont été réalisées. La radiographie des deux blocs scellés a révélé
l’absence de plomb, permettant une exploration de l’intérieur de la cuve par
caméra endoscopique. Celle-ci a montré un squelette de femme et du
mobilier funéraire au niveau des jambes et des épaules qui a permis la datation
au IIe siècle : quatre lampes à huile, un petit miroir, une bague en
ambre et un peigne. « Le squelette occupait tout l’espace de la cuve de 1m53,
l’individu devait avoir une quarantaine d’années et un statut particulier »,
révèle Agnès Balmelle.
Sépulture d’enfant riche en mobilier (assiette, gobelet et cruche) en cours de fouille recoupant partiellement celle d’un adulte. © Cyril Van Lynden, Inrap
Des prélèvements du sédiment présent sur les os du squelette et sur le fond de la cuve vont être analysés pour déterminer la présence de restes végétaux ou de produits ayant servi à traiter le corps. De même, l’ADN de la défunte, prélevé sur une de ses dents, va être comparé aux 80 échantillons de la base de données génétique des ensembles funéraires antiques rémois de l’Inrap pour découvrir si la mystérieuse femme appartient à une élite locale ou lointaine. Plusieurs pistes qui permettraient peut-être aux spécialistes d’en apprendre davantage sur l’histoire des rites funéraires antiques à Durocortorum.
Relevé photogrammétrique du sarcophage. © Émilie Jouhet, Inrap