Étuve de séchage de céréales mise au jour par sur le site de fouille d'une villa romaine à Brookside Meadows, dans l'Oxfordshire. © Red River Archaeology Group
Depuis un an, des archéologues réalisent des fouilles dans un village de l'Oxfordshire. Le chantier a révélé d'importants vestiges et artefacts datant de l'époque romaine.
De 43 à 411, Britannia (territoire qui regroupe l’actuelle Angleterre, le pays de Galles et le sud de l’Écosse) est une province de l’Empire romain. Encore aujourd’hui, les archéologues découvrent des traces de ce passé lointain. C’est le cas à Grove, village de l’Oxfordshire (Angleterre) où les équipes du Red River Archeology Group (RRAG) mettent au jour depuis un an des vestiges sur le site de Brookside Meadows, un futur lotissement du promoteur immobilier David Wilson Homes. En mars dernier, quelques curieux éléments découverts sur le chantier ont été dévoilés.
Une ancienne villa richement décorée et une monumentale salle à nefs
Les fouilles ont révélé des traces d’activité durant l’âge du Bronze mais surtout la présence d’un important complexe de villas. Ce dernier éclaire la longue période d’activité romaine sur le site, qui s’étend du Ier ou IIe siècle jusqu’à la fin du IVe siècle ou début du Ve siècle. Parmi les vestiges, les archéologues ont identifié deux édifices principaux. Le premier a été identifié comme une ancienne villa à « couloir ailé », c’est-à-dire constituée de plusieurs pièces reliées par un couloir central. De nombreux éléments en plâtre peint avec des motifs floraux attestent du riche décor qui a été réalisé au sein de la villa. Aussi, un sol en briques complexe et des conduits souterrains ont été mis au jour par les archéologues. La villa possédait peut-être un système d’hypocauste, qui permettait de chauffer l’espace en faisant circuler l’air chaud sous le sol.
Vue aérienne du site de fouille de Brookside Meadows en Angleterre © Red River Archaeology Group
Les chercheurs ont également découvert une salle monumentale à nefs, construite après la villa (peut-être lorsque le propriétaire avait une fortune plus importante), qui conserve quatre bases de colonnes internes qui sont parmi les plus grandes de l’époque romaine jamais découvertes en Angleterre.
De nombreux objets découverts
« L’échelle des bâtiments, la richesse et le grand nombre d’objets découverts sont assez inhabituels », explique Francesca Giarelli, archéologue chargée du projet de fouilles, à la « BBC ». Les chercheurs ont déterré sur le site de la poterie samienne (céramique fine destinée au service à table), de l’ambre (qui suggère des échanges avec l’Europe), un four pour sécher les grains de céréales, des centaines de pièces de monnaie, des bagues, des broches, des tesselles en mosaïque, des haches votives miniatures, des rouleaux de plomb et une boucle de ceinture à tête de cheval. Ces découvertes soulignent l’importance de l’influence romaine en Angleterre. Par exemple, la boucle de ceinture (datée de 350 à 450) montre les interactions avec les Anglo-Saxons et la longue période d’activité romaine sur le site.
Bouche de ceinture à tête de cheval découverte sur le site. © Red River Archaeology Group
Un aperçu des croyances et des peurs des habitants
Certains éléments découverts ont certainement eu une fonction religieuse ou rituelle. Ainsi, les petites haches votives étaient peut-être des offrandes à un dieu de la guerre, en raison de leur forme d’arme. Des objets similaires ont été mis au jour dans d’autres sites de culte en Angleterre, comme au temple de Farley Heath ou celui d’Uley, où des armes miniatures de la période romaine ont été offertes aux dieux martiaux comme Mercure.
Hâches votives miniatures découvertes sur le site possiblement dédiées à des offrandes à un dieu de la guerre. © Red River Archaeology Group
De même, les énigmatiques rouleaux de plomb rappellent les defixiones, ces tablettes de malédiction romaines qui étaient utilisées pour inscrire des formules magiques lors de rituels. Ces pratiques sont documentées dans d’autres régions de l’Empire romain : ces objets étaient offerts aux dieux ou dissimulés dans des lieux sacrés (comme des sanctuaires) pour activer un sort. Ces découvertes donnent un aperçu des croyances et peurs des anciens habitants de la villa, voire de la région. Pour le moment, les archéologues n’ont pas identifié d’écriture lisible sur les plaques découvertes mais la présence de celles-ci et des haches votives indiquent que le lieu a pu abriter un petit temple familial ou un sanctuaire fréquenté par la communauté locale.
De mystérieux rouleaux de plomb ont été aussi trouvés sur le site de Brookside Meadows. © Red River Archaeology Group
Un centre administratif
« Le site est bien plus complexe qu’un site rural ordinaire et a clairement été un centre d’activités important pendant longtemps, de l’âge du Bronze à la période romaine tardive », décrit Francesca Giarelli dans un communiqué. À l’époque romaine, les villas n’étaient pas seulement des habitations, elles étaient aussi des « centres administratifs » qui organisaient des activités économiques cruciales du territoire comme l’entretien des routes, le stockage des denrées alimentaires ou encore la planification des cultures.
Fragments de poteries samiennes, une céramique fine destinée au service à table caractéristique de l’Antiquité romaine, découverts sur le site de de Brookside Meadows. © Red River Archaeology Group
« La simple taille des bâtiments qui subsistent encore et la richesse des biens récupérés suggèrent que cela était une caractéristique dominante dans la localité, voire dans le paysage plus large », ajoute Louis Stafford, responsable du projet pour le RRAG. Le complexe était probablement un lieu essentiel de la vie sociale, économique et peut-être religieuse et donne un aperçu de l’histoire antique britannique.
De mystérieux résidents
Toutefois, quelques mystères restent à élucider. Qui était le ou les propriétaires de la villa ? Peut-être s’agissait-il de Romains, installés en Britannia, ou bien des propriétaires terriens qui ont adopté les us et coutumes de l’Empire. « Ces types de complexes représentent le summum de la société romaine en Grande-Bretagne, montrant une romanisation de la campagne avec ces centres de richesse gérant de vastes étendues de terre », révèle Louis Stafford au magazine américain « Newsweek ». À présent, les archéologues espèrent découvrir des sépultures pour comprendre la vie de ces mystérieux résidents et comment ils ont fini leurs jours dans cette importante villa.