Vue générale de la cité antique maya de Kabah, comprenant les deux bâtiments récemment restaurés (Yucatán, Mexique). © Institut national d'anthropologie et d'histoire (Instituto Nacional de Antropología e Historia, INAH)
Des archéologues ont découvert, cachés sous la végétation mexicaine, des bâtiments habités par les Mayas il y a plus d'un millénaire, qui offrent de nouvelles perspectives sur l'histoire de la cité de Kabah.
Au Mexique, les méga-travaux du controversé projet du Train Maya, qui doit à terme relier les stations balnéaires de Playa del Carmen et Tulum, avancent à grands pas pour une inauguration prévue pour décembre 2023. Tout le long de la route de la future ligne, les archéologues procèdent à des fouilles préventives express, permettant de révéler des vestiges restés cachés pendant des millénaires.
En procédant aux travaux d'amélioration d'infrastructures dans la zone archéologique maya de Kabah (sud-est de l’État du Yucatán, Mexique), dans le cadre du projet du Train Maya toujours, les experts de l'Institut national d'anthropologie et d'histoire (INAH) ont fait une incroyable découverte.
Deux ensembles de bâtiments mentionnés dans les chroniques précolombiennes, que les archéologues cherchaient jusqu'alors en vain, ont été décelés sous la végétation de la jungle, révèlent-ils dans un communiqué du 7 septembre 2023. D'usage résidentiel, les deux structures ont été construites par les Mayas entre 250 et 500 apr. J.-C., soit il y a plus de 1 500 ans. C'est la première fois que ce type de construction préhispanique est localisé sur le site patrimonial, ajoutent-ils.
La cité maya de Kabah, petite sœur d'Uxmal
Dans une conférence à la presse, les archéologues de l'INAH ont indiqué qu'ils avaient déjà des "notions indirectes de ces groupes", situés dans la partie centrale de la ville de Kabah. Mais "jusqu'à récemment, [ceux-ci] sont restés couverts par le manteau de végétation qu'ils ont acquis au fil du temps", a déclaré Diego Prieto Hernández, directeur général de l'Institut. Ce serait d'ailleurs le cas pour de nombreuses ruines parsemées dans la région, encore recouvertes par la forêt dense.
L'histoire de Kabah, dont le nom signifie "seigneur à la main forte et puissante" en maya, est méconnue- l'une de ces autres appellations pourrait être "Kabahaucan", " la main du seigneur serpent".
Située à plus de 140 kilomètres de la capitale du Yucatán, Mérida, elle aurait été fondée entre 250 et 500 apr. J.-C. par des migrants du département du Petén (Guatemala) ou de l'actuel Bélize, estiment les chercheurs. À la fin de l'époque classique du Mexique précolombien, elle semble avoir un satellite de l'antique cité maya d'Uxmal, sa voisine plus célèbre, à laquelle elle était liée par un sacbé (chemin blanc) de 18 kilomètres de long et 5 mètres de large, marqué par une arche à chaque extrémité.
Les vestiges de Kabah, étudiés par l'INAH depuis 1997, constituent d'ailleurs le second plus grand site archéologique de la région du Puuc (colline, en français) après Uxmal, donc.
Une inscription gravée sur sa pyramide principale, a été déchiffrée : il s'agit d'une date en compte long maya, correspondant au 26 juillet 878, probable période florissante de la cité. Si les bâtiments les plus récents retrouvés à Kabah ont été construits au Xe siècle- ce qui suggère que la ville a été abandonnée après ces temps-, ceux récemment décelés semblent avoir été édifiés à ces débuts.
Un grand palais aux décorations complexes
Or, une maison s'est détachée des autres aux yeux des anthropologues, de par sa curieuse apparence… d'ancien palais. Elle comprenait une extension d'environ 26 mètres, avec une façade principale composée d'un portique avec huit pilastres et neuf ouvertures ; soit des "saillies rectangulaires dans un mur, généralement munies d'une base et d'un chapiteau à la manière d'une colonne", selon le dictionnaire du CNRTL. Des sortes de colonnes donc, en somme.
Les décorations complexes de son architecture comprenaient également des sculptures avec des motifs de plumes, d'oiseaux et de perles, décrivent-ils. Son escalier présentait quant à lui des vestiges d'un relief en stuc, appelé "masque", qui atteignait les neuf mètres de long.
Les "masques" sont régulièrement retrouvés flanqués sur les escaliers des pyramides mayas, comme sur les sites mexicains d'Ucanha ou d'Acanceh. Ils représentaient des visages associés à des divinités ou des individus de hauts rangs, et étaient autrefois peints de multiples couleurs, usées par le temps.
L'équipe de chercheurs de Kabah et du Puuc avait déjà récupéré sur le site des restes de céramiques caractéristiques du département guatémalien du Petén, tels que des cajetes (des bols) polychromes et des récipients utilitaires- ce qui justifie donc l'hypothèse de l'origine des fondateurs de la ville.
L'étude des nouvelles structures révélées pourrait lui permettre d'en apprendre davantage sur les anciens habitants de Kabah et leur quotidien. Et aussi, indique le communiqué, d'élargir le circuit de visite de cette cité préhispanique encore très secrète, extraite peu à peu de la jungle.