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Bảo tàng lịch sử Quốc gia

Musée National d'Histoire du Vietnam

11/10/2016 21:04 2494
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Les Jarai et les Bahnar, qui habitent la partie septentrionale des hauts plateaux du Centre du Vietnam, parlent des dialectes austronésiens et môn-khmer respectivement. Leurs rites funérailles présentent des similitudes avec ceux d’autres ethnies de toute l’Asie du Sud-est et du Parcifique. Des études ethnologiques de valeur ont été publiées sur ces deux ethnies et leurs coutumes funéraires.

Le monde des morts.

Pour les Jarai et les Bahnar, la mort est le commencement d’une vie dans l’au-delà: l’âme du défunt se change en esprit. Le défunt vit désormais avec les ancêtres, dans le monde des esprits, ou le séjour des ancêtres. Son départ cause la chagrin dec ses proches, qui se manifestent par des lamentations et les anecdotes que l’on rapporte sur les bienfaits qu’il a accomplis durant son existence. Les esprits ayant besoin de nourriture, de vêtements et d’une maison tout comme les vivants, la famille du défunt enterre avec lui les objets nécessaires et construit une hutte au-dessus de sa tombe: c’est la maison de l’esprit.

Selon la coutume, après les funérailles, les Jarai, Bahnar,... construisent sur la tombe du défunt une petite maison funéraire ( Nhà mô Tây Nguyên) pour la protéger contre pluie et soleil. À l’intérieur sont déposés les objets du défunt. Après une, deux ou trois années, sa famille détruira cette maison pour en construire une autre, plus grande, entourée d’une clôture et agrémentée à l’extérieur de statues en bois: les « tuong nhà mô » ou statues de maison funéraire. Celles-ci représentent des formes humaines, d’oiseaux et d’autres animaux, ou des activités de la vie quotidienne.

Pour les populations de la région du Tây Nguyên, mais plus particulièrement pour les Jarai, Bahnar, la mort est le commencement d’une vie dans un autre monde. Ils considèrent que l’âme est encore présente, et nécessite nourriture, vêtements, maison et compagnons tout comme les vivants. Ces statues sont considérées comme les serviteurs du défunt. Les habitants de mon village considèrent les défunts comme les vivants. Ils doivent avoir à manger et une vie spirituelle comme s’ils vivaient encore. Ce sont les sentiments simples mais sacrés que les vivants ont pour les morts.

Durant une période de quelques mois, voire des quelques années, la famille va faire son possible pour conserver en son sein l’esprit du défunt. C’est la période d’entretien de la tombe, durant laquelle la famille vient chaque jour pour nettoyer la tombe, y entretenir un foyer et apporter au défunt la nourriture, tandis qu’elle lui fait tous les mois une offrande de porc et de poulet, au “jour d’offrande” ou “de festin”. L’esprit est alors présent dans les environs du cimetière, aux abords du village, et ses proches peuvent entrer en contact avec lui et lui parler.

Ce n’est qu’après la cérémonie d’abandon de la tombe, que l’âme du mort peut accéder au monde des esprits et devenir un “esprit grand-mère” ou “grand-père”. Dès lors, tout lien entre les vivants et les morts est définitivement rompu. Il n’existe pas de culte des ancêtres chez les Jarai et les Bahnar.

La cérémonie d’abandon de la tombe (Lễ bỏ mả)

La cérémonie d’abandon de la tombe, l’une des caractéristiques des habitants du Tây Nguyên, se déroule essentiellement de novembre à avril. Sous l’angle religieux, il s’agit d’une cérémonie funéraire destinée à commémorer les proches décédés. On parle de cette activité traditionnelle dans les épopées des ethnies Jarai et Bahna. Il s’agit de la dernière activité que font les vivants pour le mort. Elle se déroule un jour de pleine lune.

Selon la tradition des ethnies Jarai et Bahnar…, le mort sera enterré dans une forêt lointaine et l’âme du défunt se tranformera en fantôme qui hantera et ne voudra pas quitter le monde terrestre. Chaque jour, les proches devront apporter de la nourriture à l’âme du défunt et balayer la tombe, cette période servant à garder celle-ci jusqu’à la cérémonie d’abandon où l’âme du défunt se substituera au poulet offert par la famille et les habitants du hameau pour commencer une vie nouvelle, ne harcelera plus le monde terrestre puis transmigrera.

Chaque année, à la fin de la saison des pluies (vers le mois de novembre) alors que la récolte est terminée et qu’ont été accomplis tous les ristes destinés à remercier les génies pour les bienfaits, on prépare la cérémonie d’abandon des tombes, l’une des plus importantes et des plus joyeuses des hauts plateaux. Les chefs des familles endeuillés (il arrive qu’il n’y en ait qu’un seul) consultent les anciens du village, en vue de choisir le jour propice. Il n’y a généralement qu’une cérémonie par an et elle débute avec la pleine lune. C’est la cérémonie de bothi, pour les Jarai, celle de “manger et abandonner” (hoa lui) et, pour les Bahnar, celle “abandonner”. Il s’agit en réalité de funérailles secondaires. Elle dure habituellement trois jours et trois nuits et consiste en trois étapes: rites de construction, d’abandon et de libération.

Un mois avant ladite cérémonie, les villageois se rendent dans la forêt à la recherche de bois pour la maison funéraire, qui doit être construite par de jeunes hommes robustes et décorée par des personnes âgées. De nombreuses statues représentant humains et animaux - symboles de la vie dans l’au-delà - sont disposées à l’entrée et autour de la nhà mô. Ces statues se multiplient dans l’autre monde. Elles sont relativement simples, mais leurs formes sont suggestives et représentent des comportements humains. Ces statues expriment les messages que les villageois veulent transmettre aux défunts. Elles sont un élément spirituel indissociable des communautés des ethnies minoritaires du Tây Nguyên.

Groupe de statues de maison funéraire au Tay Nguyen conserve au Musée National d’Histoire du Vietnam.

Selon les chercheurs, elles ont pour but d’orner et de rendre plus vivante la cérémonie d’abandon de la tombe. Elles sont aussi les serviteurs du défunt. Pour sculpter une belle statue funéraire, il faut travailler assidûment pendant une semaine, voire un mois. Les matériaux de construction des statues (bois, bambous, herbe imperata) ont été rassemblés depuis une quinzaine de jours, ou même un mois. La journée de construction est le “premier jour” pour les Jarai et le “jour initial” ou “jour de construction” pour les Bahnar. On ôte la hutte qui recouvrait la tombe et l’on édifie une maison funéraire (Nhà mồ) à la place. Le travail s’accompagne de musique et de danse; la journée et la nuit se passent dans la liesse.

Le jour suivant est celui de l’abandon de la tombe, appelé “éclatement” par les Jarai et “jour de l’abandon” par les Bahnar. La cérémonie débute le soir. Le chef de famille fait une offrande d’alcool et de viande dans la maison funéraire et prononce une prière, dont le but est de couper tous les liens avec le défunt.

Tandis que le chef de famille officie, les parents pénètrent dans la maison et pleurent le défunt pour la dernière fois. Lorsque le rite est terminé, la famille fait sept fois le tour de la maison funéraire, dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. En tête de la procession, des hommes portent sur leurs épaules une maison miniature, qui est la “maison des génies”, ainsi que des poupées de bois articulées de diverses tailles, qui sont actionnées par un jeu de ficelles. Elles figurent les activités les plus variées de la vie humaine: porter de l’eau, piler le riz, tisser- et même un couple en train de copuler. Jarai et Bahnar aujourd’hui prétendent qu’il s’agit d’un simple divertissement, mais ces poupées, qui s’animent devant la maison des génies et uniquement lors de cette cérémonie d’abandon, et dont certaines en outre représentent des animaux mythologiques (singes, oiseaux), ont certainement une autre signification, qu’une comparaison avec les coutumes d’autres ethnies de la région (on pense, par exemple, aux fameux des Batak de Sumatra du Nord) pourrait éclairer.

Viennent ensuite les femmes, dansant par groupes, et enfin des hommes frappant des gongs. La procession avance lentement et observe un pas de danse au rythme des gongs. Tous les participants ont revêtu leurs plus beaux vêtements et portent une plume dans les cheveux. Tous ces éléments: les poupées, la flume dans les cheveux, la musique dédiée aux esprits et la danse des esprits, sont propres à cette cérémonie exclusivement et sont destinés à accompagner l’âme du défunt dans le monde des ancêtres.

Cette procession est le point culminant de la cérémonie. Les rites majeurs prennent fin avec elle et les participants peuvent dès lors se divertir et danser, manger et boire autant qu’il leur plait.

Le dernier jour est celui de la libération du veuf ou de la veuve. C’est le jour où l’on “nettoie la marmite” (Rửa nồi). On prend un repas en commun chez l’hôte ou dans la maison communale. L’hôte officie, il rappelle l’âme des vivants par la prière. Puis chacun asperge d’eau le veuf ou la veuve, ainsi que les parents du défunt et le reste de l’assistance. Dans les villages situés près d’un cours d’eau, on va baigner à la rivière les parents du défunt. Les liens avec le défunt sont définitivement coupés. Le veuf (la veuve) peut se marier et mener la vie de tout le monde. La cérémonie est cette fois terminée.

La maison funéraire est considérée comme ayant disparu avec l’esprit. Ce qu’il en reste n’est qu’une carcasse matérielle sans âme, que l’on laisse se décomposer naturellement. Elle est cependant du plus grand intérêt, d’un point de vue artistique et culture.

Les statues pour la maison funéraire sont sacrées. Elles sont réservées aux morts, pas aux vivants. C’est pourquoi, les vendre ou les voler est interdit. Dans le village, si un habitant le fait, il est puni et doit partir.

Aujourd’hui, les maisons funéraires traditionnelles (en bois) sont petit à petit remplacées par des maisons en béton. Ce qui transforme la vie spirituelle des ethnies du Tây Nguyên. Les statues se font aussi de plus en plus rares.

Nguyen Thuy

Source: http://www.persee.fr/

http://fr.vietnamplus.vn/

Musée National d'Histoire du Vietnam

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