Une étude sur des ossements carbonisés retrouvés dans l'unique cimetière viking connu au Royaume-Uni a révélé que ces peuples du Nord, qui envahirent régulièrement les îles Britanniques à partir du 8e siècle, naviguaient sur de longues distances avec leurs bêtes. Ils se faisaient ensuite inhumer avec elles sur les terres colonisées.
Sur ce détail de la tapisserie de Bayeux, un ouvrage brodé réalisé au 11e siècle, on aperçoit des Vikings débarquer de leurs drakkars des chevaux, sans doute directement venus de Scandinavie.
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Dès le 8e siècle de notre ère, les Vikings ont mené dans les îles Britanniques - l’actuel Royaume-Uni et l’Irlande - des raids réputés d’une extrême violence. Au cours de leurs premières incursions sur ces vastes terres parsemées de petites îles isolées, ils attaquèrent notamment plusieurs monastères chrétiens, ces derniers étant des cibles faciles regorgeant de richesses. Dès le siècle suivant, les "Hommes du Nord" eurent néanmoins sur le territoire britannique de plus grandes aspirations que le simple pillage : ils cherchèrent à y implanter durablement des colonies par la conquête de terres. Aussi fut-il tenu pour acquis que les envahisseurs vikings accaparaient en grande partie les animaux des villages britanniques pour leur propre usage.
S’il n’y a pas de raison d’exclure que de telles appropriations étaient légion, une étude parue le 1er février 2023 dans la revue Plos One vient quelque peu nuancer cette image. D'après l'analyse de restes osseux en provenance de sépultures vikings découvertes dans les années 1940 et 1950 dans le centre de l’Angleterre, les Normands - comme ils étaient nommés dans les sources écrites anciennes - sont aussi venus de Scandinavie avec leurs propres chevaux, leurs chiens et peut-être même leurs cochons, tous embarqués à bord de leurs drakkars.
Preuve au strontium
Le cimetière Heathwood Mound, dans le Derbyshire, est le seul lieu d’inhumation viking connu des îles Britanniques. Daté de la fin du 9e siècle, il est associé à une grande armée du nord qui a hiverné à proximité de Lepton entre 873-874. Seuls les restes de trois humains, d’un cheval, d’un chien et d’un probable cochon ont pu être exploités par les chercheurs de l’Université de Durham. Un échantillon néanmoins suffisant pour établir, grâce à une observation des rapports isotopiques du strontium, que les trois animaux, tout comme l’un des individus, étaient très probablement originaires de la région du Bouclier baltique et étaient morts peu de temps après leur arrivée en Grande-Bretagne.
Il s’agit là de la toute première preuve scientifique solide que les Vikings embarquaient à bord de leurs navires, même pour de longues traversées sur la mer du Nord, des chevaux, des chiens et d'autres animaux, et ce dès le 9e siècle. Jusqu'à présent, seules des sources littéraires ou visuelles tendaient à l'indiquer : sur la tapisserie de Bayeux notamment, récit brodé de 70 mètres de long datant du 11e siècle (voir photo ci-dessus), la cavalerie normande est notamment représentée en train de débarquer des chevaux de sa flotte.
Une proximité des Vikings avec leurs animaux
Selon Tessi Löffelmann, archéologue à l'Université de Durham (Royaume-Uni) et auteure principale de l’article, de telles découvertes prouvent également que les chefs vikings entretenaient une relation étroite avec les animaux, avec lesquels ils étaient prêts à voyager et à être ensuite inhumés. "Ils étaient traités davantage comme des animaux de compagnie plutôt qu'à des fins économiques", a-t-elle expliqué à la BBC. "Les chevaux de l'époque étaient plus petits que ceux d'aujourd'hui, ce qui aurait pu rendre le voyage un peu plus commode. Mais une telle traversée n’en était pas moins humide et inconfortable."
La mythologie nordique et les sagas du 13e siècle montrent également que les animaux jouaient un rôle important dans la vie des Vikings.