Symboles de la vie éternelle, les momies fascinent le public et la science. Une exposition à ne pas manquer leur est actuellement consacrée à Draguignan (Var), où de très nombreuses pièces inédites sont présentées pour la première fois. Un voyage passionnant sur les chemins de l'éternité pour cette exposition vue en avant-première par Sciences et Avenir !
Une momie péruvienne, un cartonnage égyptien et une affiche de cinéma, pour illustrer quelques-uns des 300 objets dont de très nombreux inédits présentés dans l'exposition "Momies, les chemins de l'éternité", visible à Draguignan (Var) jusqu'au 25 septembre 2022. CRÉDITS: MUSÉE DU QUAI BRANLY/MUSÉE DES CONFLUENCES/UNIVERSAL PICTURES
Pour les "Chemins de l’Eternité", il faudra se rendre à Draguignan, dans le Var ! Du 10 juin au 25 septembre 2022, une exposition rassemblant plus de 300 objets dont des momies égyptiennes, andines, africaines, asiatiques et européennes, ouvre en effet ses portes dans l’Hôtel Départemental des Expositions du Var (HDE Var), l’élégant nouveau lieu patrimonial de la cité dracénoise.
Cartonnage polychrome d'une momie d'époque ptolémaïque (IVe siècle av.J.C). Crédits: Musée des Confluences/HDEVar/Bernadette Arnaud Sciences et Avenir
Après "Ulysse, voyages dans une Méditerranée de légendes", en 2021, c’est à Philippe Charlier, directeur depuis 2018 du département de la Recherche et l’Enseignement du musée parisien du Quai Branly-Jacques Chirac, que les clés de l’empire des momies et leur univers fascinant ont été confiées. Celui-ci a choisi de présenter sur trois niveaux, "dans un cadre strictement déontologique, un rassemblement exceptionnel de momies humaines et animales de divers continents, autant que des reliques de personnages historiques".
Fardo (paquet funéraire) provenant du Pérou (1150-1450 ap.JC). Enveloppé de plusieurs épaisseurs de textiles, le personnage naturellement momifié est accompagné de différents attributs (bourses, instrument de musique, plumes etc.). Crédits: Musée du Quai Branly/Dist.RMN-Grand Palais/Patrick Gries/Bruno Descoings.
L'étude des "corps morts"
Commissaire de l’exposition "Momies, les chemins de l’éternité", l’archéo-anthropologue a souhaité évoquer ainsi l’universalité de ces pratiques funéraires, par le biais également de nombreux objets associés aux techniques de momification. L’ensemble a été prêté pour l’occasion par de grands musées tels que le Louvre (Paris), le musée des Confluences (Lyon), la bibliothèque nationale de France (Paris), le musée du quai Branly-Jacques Chirac (Paris) ou encore des laboratoires ou des collectionneurs privés.
Car pour paraphraser le titre du célèbre film de Patrice Chéreau (1998), "Ceux qui aiment les momies prendront le train" ! En effet, l’exposition de Draguignan (Var) mérite vraiment le détour. "L’Indiana Jones des cimetières", un des surnoms médiatiques dont est gentiment affublé Philippe Charlier, a frappé fort. Adepte de l’étude des "corps morts" - on lui doit l’examen de la tête du « bon roi Henri » (Henri IV), celui d’Agnès Sorel, de Robespierre, ou encore l’étude des restes du crâne d’Hitler (conservés à Moscou)- à Draguignan, l’anthropologue et médecin-légiste a fait le choix de présenter outre de très belles momies égyptiennes humaines et animales, d’autre pièces étonnantes.
Momie d'un défunt en Afrique. Celui d'un chef de clan Fali, au nord Cameroun. La photographie a été prise par J.-P. Lebeuf, dans le cadre de la mission Sahara-Cameroun de Marcel Griaule en 1936-1937. Crédits: coll. musée du Quai Bralny-Jacques Chirac
D’authentiques têtes réduites jivaros
Ainsi du reliquaire de Richard Cœur de Lion (roi d’Angleterre et duc de Normandie (1157-1199)), le "pied gauche" de l’Homme de Tollund, la célèbre momie des tourbières (Danemark) (IVe-IIe siècle av. J.-C), d’authentiques têtes réduites jivaros de la population Shuar (tsantsas) d’Equateur, des momies sud-américaines (XIIe-XIVe siècle). D’autres encore sont inédites et méconnues, à l’instar des défunts entièrement bandelettées de la population Fali du nord Cameroun, dont des photographies des années 1930 et un tombeau (gebu) creusé dans le sol, reconstitué pour l’occasion, sont présentés.
Reconstitution d'une sépulture Fali, creusée à environ 2 m de profondeur dans le sol dur. La dépouille est enveloppée de bandelettes de coton et de lanières en peau de boeuf. La tête est souvent recouverte de peau de panthère ou de cabri. L'ensemble du processus a été décrit par l'ethnologue Jean-Paul Lebeuf lors d'une étude menée dans les années 1930. Crédits: HDEVar/Bernadette Arnaud Sciences et Avenir
Plus loin, des personnages du rituel vaudou haïtien et béninois, autant qu’un jeune garçon d’époque gallo-romaine du IIe-IIIe siècle retrouvé en France au XVIIIe siècle, à Martres-d’Artière (Massif-Central), partiellement bandeletté à la façon orientale, fascineront (ou dérangeront) le visiteur. De même que le reliquaire du cœur de Louis XIV, dont les restes réduits en poudre seraient passés dans les vernis du "Paysage au moulin, dit vue de Caen" d’Alexandre Pau de Saint-Martin, vers 1810, une huile sur bois exposée…
Paysage au Moulin, dit "Vue de Caen", huile sur bois d'Alexandre Pau de Saint-Martin, réalisée vers 1810. Des pigments broyés provenant du coeur de Louis XIV y auraient été utilisés pour les bruns. (La "poudre de momie était très en vogue à l'époque). Des analyses protéomiques auraient confirmé la présence de protéines humaines en rapport avec des pathologies qu'avaient Louis XIV, en particulier un diabète... Crédits: Pontoise, musée Tavel-Delacourt / Bernadette Arnaud Sciences et Avenir
Une momie de phallus
La surprise viendra aussi d’une momie de phallus renvoyant au mythe du démembrement du dieu Osiris, "un exploit tant ce corps spongieux et flasque est difficile à momifier", comme l’explique Philippe Charlier. Si Doctroptard est l’autre surnom que l’anthropologue utilise pour son compte Twitter, "trop tard" il ne l’est jamais pour tout ce qui concerne les corps humains du passé. Devenus de véritables objets d’étude, ceux-ci sont présentés replacés "dans leurs contextes archéologiques, historiques et scientifiques", et exposés de façon éthique "comme le seraient des patients".

Une momie égyptienne sur fond de représentation du célèbre tableau de Maurice Orange "Bonaparte devant les pyramides contemplant la momie d'un roi, 1798", une oeuvre sur toile de 390x490 cm, conservée en dépôt au musée municipal de Rueil-Malmaison. "Une représentation anachronique, les traits de la momie contemplé par Bonaparte étant ceux de Séthi 1er dont la tombe fut découverte par Belzoni en 1817, mais la momie seulement en 1881 dans la cache de Deir-el-Bahari". Crédits : Bernadette Arnaud - Sciences et Avenir
Philippe Charlier fait parler les morts. "La mumiologie a connu un développement exponentiel ces dernières années, explique ainsi le scientifique à Sciences et Avenir. Cette exposition est l’occasion de montrer les avancées permises par l’application des techniques medico-légales". Des études qui permettent non seulement d’en savoir plus sur les momies, mais aussi de mieux connaitre l’état de santé de ces populations du passé "sachant que tous les examens pouvant être faits sur des vivants peuvent l’être aussi sur des momies".

Modélisation 3D du corps et des offrandes, en particulier des épis de maïs, présents à l'intérieur d'un fardo péruvien. Crédits: Musée du Quai Branly/HDEVar/Bernadette Arnaud Sciences et Avenir
Au 2e étage de l’exposition qui s’étire sur plus de 600m2, des séquences d’imageries 3D présentées à l’aide de casque VR sur l’autopsie virtuelle d’une momie sud-américaine, ainsi que des extraits de films sur les Capucins de Palerme, en Sicile ou l’Homme de Tollund, sont diffusées alors qu’au 3e étage, une salle est consacrée aux momies comme sources d’inspirations.

Affiche de cinéma de "La Vengeance de la Momie", (1964), film mexicain de René Cardona.
De la littérature d’épouvante au cinéma, à travers des affiches, en passant par l’univers de la bande dessinée, "Tintin et les cigares du pharaon", ne sont jamais très loin de "La vengeance de la momie" et ses malédictions !
Cette exposition permet aussi de penser à la juste place qu’occupe les défunts dans notre société du XXIe siècle. "Qu’est-ce que la mort ? Comment les autres civilisations l’ont gérée ? La momification n’est-elle pas un moyen de nier les effets dévastateurs de la mort sur les corps ?", interroge Philippe Charlier. En voulant préserver les corps, les anciens ont voulu emprunter un chemin vers l’éternité. "Vous êtes ce que nous avons été, nous sommes ce que vous serez", répondent en chœur les momies, dans un ultime memento mori à méditer.
A noter, un catalogue remarquable, et une série de conférences données en septembre 2022.
Infos pratiques:
Exposition "Momies, les chemins de l'éternité" du 10 juin au 25 septembre 2022.
A voir à l'Hôte départemental des Expositions du Var, 1 boulevard Maréchal Foch, à Draguignan.
Réservation: hdevar.fr