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Bảo tàng lịch sử Quốc gia

Musée National d'Histoire du Vietnam

18/10/2021 11:37 1174
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Le 19 octobre, Sotheby’s mettra à l’encan le « Mahzor Luzzatto », un ouvrage hébraïque rarissime du XIIIe siècle conservé à Paris. Une vacation contestée.

Comment déterminer ce qui serait digne d’être sauvegardé et transmis, et plus précisément comment interpréter ce que revêt la notion de ce qu’on nomme le patrimoine culturel ?

C’est la question que soulève la vente prochaine – le 19 octobre chez Sotheby’s à New York – d’un ouvrage hébraïque médiéval, « l’un des plus anciens livres de prières illustrés jamais mis aux enchères dans le monde », d’après la maison de ventes. Son estimation ? Entre 4 et 6 millions de dollars.

Un témoin des diverses communautés juives d’antan

Il s’agit d’un Mahzor (livre de prières juives consacré aux jours de fête) Luzzatto, qui doit son nom à son illustre et ancien propriétaire, Samuel David Luzzatto (1800-1865). Un érudit, poète et théologien juif italien, éminent collectionneur de livres anciens. Le manuscrit sur parchemin, en parfait état de conservation, comprenant des calligraphies d’une rare beauté et de vives enluminures en couleur, fut écrit dans le sud de l’Allemagne vers la fin du XIIIe-début XIVe siècle, par un scribe-artiste français nommé Abraham.

Vieux de 700 ans, ce Mahzor, rédigé dans une écriture hébraïque élégante et solennelle, contient la liturgie des deux fêtes les plus importantes et saintes du calendrier juif et de sa communauté. D’une part, Roch Hachana et, d’autre part, Yom Kippour, respectivement Le Nouvel An hébraïque et le Jour du Grand Pardon.


Surtout, ce Mahzor, tel un témoignage du passé, atteste le dynamisme des diverses communautés juives médiévales existantes à l’époque. « C’est un ouvrage qui a voyagé entre l’Allemagne, la France ou l’Italie et qui a subi la censure de l’Église, voire l’autocensure des juifs eux-mêmes. Au fur et à mesure de ses pérégrinations, le manuscrit a été annoté dans ses marges par de nombreux contributeurs qui ont déposé leurs strates sur le parchemin. Il révèle les différents rites, rituels et usages de prières pratiqués là où il est passé. Il est donc un témoin fondamental de toute une communauté de juifs ashkénazes du Moyen Âge et de leurs us et coutumes, d’où sa grande valeur mémorielle, en sus de son intérêt artistique, historique et scientifique », nous confie Laurent Munnich, fondateur du site d’information culturelle Akadem et spécialiste du sauvetage informatique des bibliothèques ainsi que des politiques patrimoniales.


Un probable départ de France et le cri d’alarme de la communauté scientifique

Acquis en 1870 par l’Alliance israélite universelle (AIU), dont le siège se situe à Paris et qui comprend le plus grand fonds d’archives juives d’Europe, ce morceau d’histoire et de patrimoine est aujourd’hui en danger. L’AIU et sa bibliothèque connaissent en effet un grave déficit financier. « Afin de faire face à nos difficultés structurelles qui portent sur le coût d’entretien de notre immense patrimoine culturel et communautaire, près de 500 000 euros par an, nous n’avions pas d’autre choix que de vendre certains biens de l’Alliance, dont ce fameux Mahzor Luzzatto. Il en allait de la survie de notre institution », explique Marc Eisenberg, le président de l’AIU. « Cela faisait des années que nous lancions des alertes sur la situation et que nous appelions à l’aide. Malheureusement, ce qui a été fait jusqu’à présent n’a pas suffi », poursuit Marc Eisenberg, qui s’est donc résigné à confier son manuscrit à Sotheby’s, qui le proposera aux enchères le 19 octobre prochain à New York.


« Une décision incompréhensible pour bon nombre de chercheurs et de spécialistes de la communauté scientifique qui n’ont d’ailleurs pas été alertés du projet de cette vente. Des solutions auraient sûrement pu être envisagées pour sauver le manuscrit plutôt que de le voir probablement partir de l’autre côté de l’Atlantique dans une collection privée et disparaître », s’alarme Laurent Munnich, qui précise, par ailleurs, « que le document a été numérisé, mais que ça ne remplacera en rien le fait de pouvoir étudier et toucher l’ouvrage, notamment pour les codicologues [experts dans l’étude des manuscrits, NDLR] ».

En ce sens, le fondateur d’Akadem a signé une pétition aux côtés de nombreuses personnalités culturelles, scientifiques ou politiques, comme l’ancien ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon. Pour, d’une part, faire connaître au plus grand nombre le trésor qu’est le Mahzor et, d’autre part, éviter que d’autres manuscrits subissent le même sort à l’avenir et que la bibliothèque de l’AIU ne soit vidée de ses ressources précieuses.

Mais il s’agit aussi d'« appeler à rechercher toutes les solutions pour qu’il soit classé comme “œuvre d’intérêt patrimonial majeur”, permettant son acquisition par un mécène au titre de la loi du 1er août 2003 (dite loi Aillagon), offrant de très importantes déductions fiscales (90 % de l’impôt sur les sociétés) dès lors que le manuscrit serait donné à une institution patrimoniale, comme la Bibliothèque nationale de France, dont le fonds de manuscrits hébraïques médiévaux fait référence », souligne le texte de la pétition.


Une demande de classement au titre des trésors nationaux a d’ailleurs été introduite par les membres de l’AIU afin que le Mahzor intègre les collections nationales, sans succès. « Le ministère de la Culture a, en effet, rejeté notre requête et accordé un certificat de sortie du territoire français », regrette Marc Eisenberg.

Divers arguments ont été avancés par l’État, notamment le fait que l’ouvrage coûterait trop cher à ce dernier, d’autant plus qu’il possède déjà deux autres Mahzor comparables au Luzzatto et que « le manuscrit ne serait pas assez profondément lié à l’histoire de France, qu’il est incomplet et sans colophon, ce qui diminue son intérêt, malgré sa grande valeur scientifique et historique », pointe de son côté Isabelle Le Masne de Chermont, directrice du département des manuscrits de la BNF.

« Or, que veut dire être français pour un livre qui a tant voyagé et qui est notamment passé par la France ? » conclut Laurent Munnich, qui évoque « un débat provoqué sain et utile qui laissera des traces dans la gestion et la sauvegarde de notre patrimoine juif français ». 

https://www.lepoint.fr/

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